Il faisait noir. Si noir. Et humide. Au dehors, partout, des femmes, des hommes et des enfants tombaient. Leurs corps se projetaient contre le sol, en un craquement écœurant, pour goûter à la pierre, au sable, et au sang, délicates saveurs de mort. La guerre faisait rage. Personne n'avait souhaité que cela se produise. Qu'autant d'âmes innocentes, perdent la vie. Que ces gens meurent, pour avoir choisi le camp de la liberté, ou simplement pour être simplement un habitant d'une cité ravagée et aux mains d'un usurpateur. Sans doute pas Caspian, qui avait certainement ordonné à ses troupes de faire le moindre de victimes possible au cours du siège. Mais pas même Miraz, qui dans l'ivresse de son pouvoir, n'avait malgré tout pas nourri de cruauté maladive. Il tuait si son autorité n'était pas respectée, mais il ne prenait pas de plaisir à voir la vie s'éteindre dans le regard de ses ennemis. Il accomplissait ce qu'il devait, point barre.

Jason les entendait. Les cris, les fracas de armes et des canons. Seul, terré dans les cachots, il essayait de ne pas écouter, mais cette macabre mélodie lui pénétrait l'âme, sans qu'il ne parvienne à la contenir. Recroquevillé dans la froideur moite d'un cachot, il serrait les points sur ses oreilles, sanglotant comme un enfant se réveillant d'un cauchemar.
Il était pitoyable.
Il offrait un tableau ridicule de l'avenir de Telmar. Si son père ou sa soeur le voyait... Mais en réalité, il ne songeait pas à de telles pensées. Tout son esprit était tourné vers le combat qui se déroulait au dessus de lui, dans les cours principales de la forteresse. A cette affrontement, qu'en bon lâche, il avait fui, terrifié à l'idée de se confronter à son cousin, ou pire, à son père.

Alors que les éclats de ses pleurs résonnaient contre les parois épaisses de sa geôle, des bruits de pas troublèrent le triste spectacle. Précipités, ils provenaient de l'escalier. Quelqu'un venait. Pour lui ? Pour l'abattre ? Pour révéler au monde sa véritable nature ? Inutile, il se ridiculisait très bien tout seul...
Alors que les pas s'approchèrent, Jason essuya ses sanglots. Il n'avait pas d'armes pour se défendre, ni aucun bouclier ou armure pour se protéger. C'était dans la précipitation qu'il avait rejoint les cachots, qui avaient toujours étaient pour lui, un espace rassurant, aussi paradoxal cela pouvait-il paraître.
Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il vit apparaître ce visage aux traits angéliques et d'une douceur incontestable. Jason savait bien que l'habit ne faisait pas le moine, mais pourtant, la jeune femme qui se tenait devant lui dégageait quelque chose de bon. Il se leva. Ses yeux étaient d'un rouge vif, rongés par les larmes qui séchaient tout juste de ses joues. Il s'approcha de la grille, et ouvrit la bouche, prêt à dire quelques mots, mais se ravisa. A la place, il se contenta d'un « bonjour », qui semblait tout à fait inapproprié à la situation, mais qu'il avait pourtant ressenti le besoin de prononcer, comme pour chasser les ténèbres qui dévoraient Telmar depuis trop longtemps.